Plus forts que Tomb Raider (29/06/2011 - Tiahuanaco)
TIWANAKUUUUUUUUUUU (et non, ce n'est pas un art martial !)
Un beau matin de juin, dans les rues de La Paz, deux jeunes touristes français attendent patiemment leur guide pour le site archéologique de Tiwanaku. Un mini-bus sillonne la ville, d'hôtel en hôtel, pour réunir le groupe de la journée. Une fois tout ce petit monde rassemblé, le véhicule s'extirpe de la vallée et traverse l'Altiplano. Peu avant l'arrivée, notre cicérone nous donne quelques bases sur la civilisation de Tiwanaku, dont on peut diviser l'Histoire en cinq périodes : I et II appelées aldeana (villageoise), III urbana (urbaine), IV clásica (classique) et V expansiva (expansive). Cette culture a dominé la région autour du Lac Titicaca durant près de vingt-sept siècles, s'éteignant au XIIème siècle, suite à l'indépendance de plusieurs communautés. Dans le véhicule, il règne comme un étrange silence. Les gens écoutent et regardent, étonnés ou dégoûtés, le guide qui récite son texte tout en grattant son ventre gras et poilu.
Frise historique de la civilisationTiwanaku (Guéno)
Outils rudimentaires, civilisations Chiripa et Wankarani (Guéno)
La vallée sacrée
Le bus dépasse une des collines semi-arides du haut plateau et arrive dans la vallée sacrée. La Cordillère Royale se cache derrière le petit mont. Le long de la route, de rares habitations en adobe sont animées par de nombreux enfants jouant avec les animaux de la ferme. La constance des couleurs de l'Altiplano est toujours valable ici : jaune, ocre, beige. Il n'y a pas d'eau, pas d'arbres. Seules quelques herbes hautes, couleur paille, rêvent, s'agitent et se balancent au rythme du vent.
Un peu de culture ?
La première étape du circuit touristique est le musée lithique. Cet impressionnant bâtiment de pierres, évoquant l'architecture stalinienne, n'abrite en fait qu'un objet : un monolithe, haut de huit mètres et lourd de dix-neuf tonnes, extrêmement bien conservé. On accède à cette étonnante représentation d'un religieux, entièrement gravée de symboles relatifs aux croyances locales, après une succession de patios aux murs dénudés et imposants. Le guide, toujours aussi négligé, laissant dépasser son ventre tendu de sa chemise mal boutonnée, explique très succinctement la signification des éléments sculptés. Ainsi, le prêtre tient dans ses mains deux vases d'offrandes, permettant de désigner sa fonction. L'eau, l'air et la terre sont figurés à travers le poisson, le guerrier et le condor (vu comme ils représentaient ce dernier, à mon avis ils avaient le soleil dans la figure quand ils le regardaient !). Au niveau de son pantalon, trois cent soixante-quatre cercles correspondent à chaque jour de l'année. Le jour du solstice est individualisé par un soleil. Le religieux porte une couronne. Au centre de celle-ci trône Viracocha, gouverneur du monde (et non dieu créateur comme chez les Incas). A peine dix minutes pourront être consacrées à ce chef-d'œuvre mystérieux, puisqu'un autre groupe attend son tour.
Représentation de Viracocha à l'entrée du musée de céramique
A la même vitesse, la visite du musée de céramique s'enchaîne, laissant peu de temps pour admirer d'intrigants vases de cérémonie (keru) aux formes variées et originales. Chaque période de l'Histoire de Tiwanaku est richement représentée, avec des pièces toujours dans un excellent état de conservation.
Photographies interdites... Qu'à cela ne tienne, Asuka reproduit le contenu des vitrines !
(notez que les momies devaient se sentir à l'étroit...)
Notes dans le bus du retour (Guéno)
Jouons aux archéologues...
Puis, en courant, le groupe chemine entre les ruines. Au Sud, la pyramide Akapana (guide de la lumière), à sept niveaux, attire le regard dès l'entrée. Les habitants croyaient qu'à son sommet les énergies se concentraient. Ils y ont d'ailleurs placé d'énormes rochers, dont la propriété est de dévier les boussoles. De là, vers l'Est, on aperçoit le temple Kalasasaya. Bordé de quatre hauts murs bâtis à partir de pierres massives de trois mètres, celui-ci est situé au cœur du complexe et protège un monolithe semblable à celui précédemment décrit. A côté, le Templete (temple semi-sous-terrain) se distingue un peu moins facilement.
Le temple Kalasasaya
Le Templete semi-sous-terrain
L'entrée du temple Kalasasaya, avec à l'intérieur le monolithe Ponce
Le monolithe Ponce (trois mètres de haut, cinq tonnes, réalisé en 500 après Jésus-Christ)
Détails du monolithe Ponce : la tête, sur la photo du dessus, et les jambes, sur la photo du dessous
(les cercles représentent des poissons : un rond seul pour les femelles, un dessin plus complexe
pour les mâles ; il y en a 364 comme les jours de l'année, moins celui du solstice d'hiver)
Mais d'un pas cadencé, les touristes sont déjà devant les dizaines de visages ornant les parois du Templete, cette construction encore plus insensée que les autres. Ces sculptures, rappelant les têtes décapitées des ennemis vaincus, reproduisent les symboles habituels du pouvoir (le poisson, le puma, les guerriers...). Puis, le clou du spectacle est bien sûr la fameuse Puerta del Sol (Porte du Soleil). Les petites figurines traditionnelles encadrent l'honorable Viracocha. Un système de calendrier aligne les mois autour de celui de septembre, le plus important. Le mois de juin, mois du soleil, ne fait pas partie du décompte puisque c'est un mois de festivités. Le parcours se termine par le cimetière. Les momies, en position du fœtus, étaient déposées assises dans de grands caveaux, chouchoutées et nourries une fois par an (on rouvrait spécialement les tombes pour l'occasion...).
Un peu de mégalomanie pour Asuka, encadrée par la Puerta del Sol : c'est ici qu'a été intronisé le président
Evo Morales lors de sa réélection, et ici qu'est célébré chaque année le Nouvel An aymara (le 21 juin)
Momie devant son caveau
Quelques mètres en bus permettent d'accéder au dernier site à visiter (marcher cent mètres étant hors de portée du touriste standard) : Pumapunku (la Porte du Puma). Le guide laisse à peine le temps à ses protégés d'effleurer le sol de ces ruines qu'il les envoie déjà déjeuner dans son restaurant favori. Les deux Français que nous sommes, faisant bande à part, savourent des salteñas en regardant ce village désolé, survivant grâce à ce site millénaire.
La Paz, le 29/06/2011
Asuka
Détail d'une dalle de Tiwanaku :
l'ancêtre du "smiley" ?