C'est le moment de se dégourdir les Andes ! (07/02/11 - Ushuaia)
De l'air ! (04/02)
Premier réveil à Ushuaia. Dans la salle commune où l'on profite du petit déjeuner, la télévision passe en boucle un fait divers intervenu la veille à Buenos Aires. Un train chargé de marchandises a déraillé dans un des quartiers pauvres de la capitale. Les habitants ont profité de l'aubaine pour se livrer au pillage de la carcasse renversée. Intervention de la police, révolte, deux morts et de nombreux blessés du côté des émeutiers... Un schéma relativement classique, mais qui vient dès notre arrivée nous rappeler quelques réalités. Même si l'Argentine bénéficie d'un statut enviable comparé à celui de la plupart de ses voisins d'Amérique latine, le chômage et le faible niveau de vie d'une partie de la population continuent de fragiliser le pays. Ici comme ailleurs, les inégalités sociales sont plus fortes que jamais : une frange s'enrichit, l'autre se meurt... Je suis étonné que Madame Alliot-Marie n'ait pas encore proposé aux carabiniers « le savoir-faire, reconnu dans le monde entier, de nos forces de sécurité » !!
Vue sur le canal de Beagle et Ushuaia depuis le bas du glacier Martial (à environ 850 mètres d'altitude)
Après vingt heures en l'air, à nous de prendre celui-ci ! Hop, hop, hop, une petite marche d'environ une heure pour rejoindre le glacier Martial surplombant la ville (la cordillère de Darwin prolongeant ici en forme de conclusion les quelques cinq mille kilomètres des Andes). Ça monte, ça tire, mais on respire ! Et puis, ouf, une jolie vue sur le canal de Beagle séparant l'Argentine du Chili, pont de 180 kilomètres entre l'Atlantique et le Pacifique. Ici, nous sommes à l'intersection de l'Occident et de l'Orient. Après avoir baptisé nos crêpes bretonnes (oui, elles aussi ont franchi la douane avec succès) avec du dulce de leche (la confiture de lait locale), nous redescendons, accompagnés de quelques flocons de neige, afin d'explorer la baie en bateau.
Accostage sur une des îles de l'archipel Bridges
A bord d'un gros catamaran empli d'une quarantaine de touristes, nous naviguons entre des îles « à thème » : celle des oiseaux, celle des lions de mer, celle du phare (breton ?) des Eclaireurs. Derrière, les montagnes noires et blanches grandioses se détachent d'une eau bleu azur. Malgré les limites imposées par le circuit touristique obligé, la nature sauvage conserve toute sa splendeur et nous écrase de sa puissance. Au loin, les vents du Cap Horn et le froid de l'Antarctique sont presque palpables. Mais l'aventurier solitaire rêvant de ses bouts du monde devra être riche pour y accéder... A notre retour, vers 18 heures, Ushuaia est lumineuse et dynamique, grouillant de touristes et de locaux ; profitant du jour qui s'éternise jusqu'à tard, c'est un plaisir que d'y déambuler un peu avant le dîner que nous nous préparons nous-mêmes (comme on dit ici, es mas barato, les prix des restaurants étant quasi-parisiens... ou presque !).
Tierra del Fuego (05/02)
Facundo (le fils de la propriétaire de l'auberge) nous donne l'objectif du jour : el Cerro Guanaco. « Vous êtes sportifs, en cinq heures vous aurez le temps de faire l'aller-retour », dit-il. En effet, le parc national de la Terre de Feu est à une heure de bus d'Ushuaia. Nous sommes donc contraints à respecter les horaires de passage de celui-ci...
Le chemin balisé est raide mais permet de découvrir la végétation fuégienne. Après avoir serpenté entre des arbustes torturés par les vents, nous nous enfonçons dans une zone de tourbière (turba). Puis brutalement, nous grimpons une côte caillouteuse extrêmement pentue et aride. Nos visages fouettés par un vent violent luttent pour garder le cerro en vue. Du sommet, le spectacle est époustouflant : notre regard embrasse toute la baie d'Ushuaia à l'Est, tandis qu'à l'Ouest la cordillère domine les lacs turquoise et tranquilles du parc naturel. Au loin, des îles aux allures de steppe parsèment le canal de Beagle. Nous sommes seuls face à cette immensité.
Le lago Roca en arrière-plan depuis le Cerro Guanaco
Après une descente éclair, nous rejoignons des zones moins paisibles car plus accessibles et plus fréquentées par les touristes. Au dîner, Guéno a bien mérité son « pollo alla pizza » (c'est comme une pizza, mais vous remplacez toute la pâte par du poulet...) et son « chorizo » (saucisse argentine) !
Sommet du Cerro Guanaco (970 mètres)
Une journée de repos qui fait du bien (06/02)
Face à la baie, la Isla de Navarino nous nargue. Elle gardera bien cachés ses joyaux : montagnes (los Dientes de Navarino) et cité de fin du monde (Puerto Williams, officiellement la ville la plus australe). Ce n'est pas l'envie qui nous manque de découvrir ce bout de terre mais, renseignements pris, les mésententes cordiales entre Chili et Argentine rendent la traversée du canal de Beagle bien trop complexe ou onéreuse.
Le soir, nous sortons dans un pub avec Facundo (très bon rugbyman en plus d'être sympathique) et Vicky, une de ses amies. Originaires d'Ushuaia, ils font tous deux leurs études à Córdoba. A l'instar de la jeunesse cultivée du coin, qui finit inexorablement par rejoindre un des grands centres universitaires du pays, ils sont attachés à leurs racines et se retrouvent dans leur Sud natal dès les vacances venues, contribuant à faire d'Ushuaia un vrai lieu de vie, et pas seulement du point de vue touristique. A l'occasion de cette soirée, je remercie encore le Malbec pour avoir contribué à débloquer en partie les problèmes que j'avais avec l'Espagnol depuis notre arrivée...
Ushuaia, le 07/02/2011
Asuka et Guéno
Panorama depuis le Cerro Guanaco : au fond, les îles chiliennes Navarino et Hoste, en second plan la baie de Lapataia et le lago Roca (le canal de Beagle séparant les deux ensembles)