Au travers des ports (28/02/2011 - Puerto Chacabuco)
Des larmes de pêcheurs (27/02)
Puerto Aysén semble pleurer quand nous arrivons sous un ciel triste. Nous avons perdu le soleil en une heure et demie de route au creux de montagnes somptueuses. Notre auberge, trop calme et sombre, paraît avoir arrêté toute vie il y a cinquante ans. Pourtant, elle est presque remplie d'ouvriers de passage. Certes, nous sommes dimanche, mais les rues sont si désertes que seule la pluie continue rythme la vie en ville. Quelques chiens habitent le centre. La balade le long du Río Aysén inspire la nostalgie, malgré un grand pont au rouge vif de Miyajima. Seule une boisson chaude réchauffe nos corps refroidis.
Puerto Aysén, calle Sargento Aldea
En fin d'après-midi l'éclaircie pointe, et de massives montagnes glissent leurs denses forêts entre deux nuages. Jusqu'à la tombée de la nuit, le solitaire ne sera pas dérangé ici. Et il le sera encore bien moins une fois celle-ci venue... Au bout de l'avenue principale, nous rentrons dans le seul restaurant ouvert : le "Myso", cuisine asiatique. Tout en mangeant un savoureux chop suey à la chilienne, les langues se délient. Le couple gérant veut nous faire découvrir son pays. Tour à tour, Humberto et Myriam nous décrivent leur société en partageant un ceviche (poisson cru mariné dans du citron une nuit entière), puis du maté, et enfin une margarita (chaque week-end, ils fêtent un nouveau pays, et cette semaine c'était le Mexique). Pour les distraire, j'écris en katakana leurs noms puisque la salle en est décorée. Nous quittons ce foyer chaleureux pour plonger de nouveau dans l'obscurité triste de la ville portuaire. Il n'y a personne, comme si les marins avaient le mal de terre... Nous retrouvons notre auberge en "zona de seguridad de tsunami". Nous pouvons donc dormir tranquilles.
Comme dans toutes les villes côtières du Chili, des panneaux indiquent
les directions à prendre pour se mettre en sécurité en cas d'alerte de tsunami...
A l'abordage ! (28/02)
Sous la persistante pluie fine, nous attrapons le mini-bus qui nous emmène à Puerto Chacabuco. Le jeune chauffeur s'intrigue de notre voyage et nous jette un regard bienveillant. Au port, il nous conseille de nous abriter dans les locaux de l'agence navale. La pluie finit par se lasser. L'exploration de Puerto Chacabuco ne se limite qu'à quelques rues où s'accrochent des maisons en bois et en tôles. Les fumées de leur poêle perturbent les tons gris du ciel. Le chant du coq raisonne de temps à autre, tandis qu'un chiot joue entre nos jambes. Nous avalons deux churrascos (gros sandwichs avec de minces filets de bœuf grillés accompagnés de tomate et d'avocat frais, une spécialité chilienne !), bien au chaud au « Pollo dorado ». Nous déambulons le long du port. Notre regard se perd entre la carcasse d'un bateau abandonné dans la baie, l'agitation de charpentiers, les navires de la marine militaire et les immenses ferrys de tourisme.
Navire abandonné, port de Puerto Chacabuco
Alors que notre bac, l'Alejandrina, accoste, le ciel se dégage, laissant place aux monts se repoussant les uns les autres jusqu'aux limites du visible. Nous embarquons le cœur léger, prêts à vivre de nouvelles aventures, chargés de sacs de provisions pour trente-six heures de mystères. Les cheveux au vent, les yeux pétillants, nous faisons nos adieux à la Patagonie.
Puerto Chacabuco, le 28/02/2011
Asuka