Le panache du Fitz Roy (19/02/2011 - El Chaltén)
Un anniversaire à l'ombre des géants (16/02)
Le 16 Février, nous parvenons à El Chaltén, dans la partie septentrionale du PN Los Glaciares. La création de ce village, au confluent des Ríos Fitz Roy et de las Vueltas, ne date officiellement que du 12 octobre 1985. Elle s'explique pour les Argentins par la volonté farouche de peupler une région frontalière du Chili. En effet, il existait alors un litige (le dernier en date) concernant la Laguna del Desierto toute proche (le Tribunal latino-américain d'arbitrage résolut finalement le problème en 1994, donnant gain de cause aux Argentins). Habité seulement par une centaine d'âmes en hiver, El Chaltén connaît actuellement un énorme développement touristique l'été. Et effectivement, hospedajes et trekkeurs sont ici légion, ce qui n'empêche pas l'atmosphère locale d'être beaucoup plus paisible que celle d'El Calafate.
Le 16 Février toujours : me voilà vieilli d'un an !! Mais je ne le supporte pas trop mal, d'autant qu'on en profite pour aller dans un restaurant qui propose « pizza libre » (où l'on mange jusqu'à n'en plus pouvoir)... C'est un anniversaire un peu particulier, quelque peu coupé du monde, du moins de mon monde : Asuka pourra se targuer d'avoir été la seule à avoir pu me le souhaiter le jour J de vive voix !
En contemplation au bord de la laguna Capri, sous la protection du Fitz Roy
Que la montagne est belle ! (17 au 19/02)
El Chaltén est pour nous le point de départ d'un nouveau trek de trois jours autour de deux célèbres montagnes : le Cerro Torre et le Fitz Roy. Pour cette marche, nous nous sommes concocté un programme beaucoup plus tranquille que celui des Torres del Paine, et nous savourons d'autant plus le côté magique des dîners à la belle-étoile et des nuits de pleine lune. Car certes, le parc est fréquenté, mais bien moins que son voisin chilien.
Cheveux dans le vent à l'ombre du Cerro Torre
Glaciar Grande et Cerro Torre
Le Cerro Torre (3102 mètres) nous laisse admirer en fin de première journée ses parois verticales, dressées comme un gigantesque bras d'honneur aux randonneurs. Son ascension fut en effet longtemps considérée comme insurmontable, et il a fallu attendre l'année 1974 pour qu'un Italien du nom de Ferrari parvienne à se hisser jusqu'à son sommet. En-dessous du cerro s'étend un gigantesque glacier qui vient se jeter dans une petite lagune. A cet endroit précis, le blanc immaculé est souillé par les multiples coulées de terre que poussent le vent et les torrents, et le mastodonte gelé fait songer à un oeuf en neige saupoudré de chocolat...
Le Glaciar Grande avec son saupoudrage chocolat, au-dessus des eaux grises de la Laguna Torre
La Laguna Piernas Blancas
Au deuxième jour, les deux sommets ont décidé de reposer leurs masses de pierre sur un douillet duvet de nuages. On quitte ainsi le Cerro Torre sans pouvoir lui dire au revoir, et le Fitz Roy nous accueille en jouant à cache-cache. Mais il se découvre en soirée, et s'offre dans toute sa splendeur le troisième matin, sous un soleil magnifique. Montagne de légende et d'aventures, le Fitz Roy (3405 mètres) s'appelait originellement le Chaltén. Ce mot des indiens Tehuelches (ceux-là même qui sont à l'origine du nom de la Patagonie, « grands pieds », du fait de leur haute stature) signifie la « montagne qui fume ». En effet, les autochtones s'étonnaient du panache de nuages quasi-permanent qui entoure le sommet, tel les fumées d'un volcan au réveil (nous, on aura eu la chance de le voir sans !). Ce n'est que par la suite que F. P. Moreno, dit Perito (« l'expert ») Moreno, un des grands naturalistes et explorateurs du XIXème siècle, le rebaptisa du nom du capitaine de la flotte qui mena Charles Darwin dans la région lors de sa mission d'exploration (1834). Quant à la première ascension du Fitz Roy, elle eut lieu en 1954 par deux Français : Terray et Magnone (cocorico !).
Pics Poincenot et Fitz Roy
Vol silencieux et majestueux d'un condor... Fracas lointain d'une avalanche... La contemplation du mythique sommet prête à la poésie. A ce titre je choisis Victor Segalen, pour le coup un vrai voyageur (et puis, il a donné son nom à ma faculté d'origine...) :
"Porte-moi sur tes vagues dures, mer figée, mer sans reflux ;
tempête solide enfermant le vol des nues et mes espoirs.
Et que je fixe en de justes caractères,
Montagne, toute la hauteur de ta beauté."
(extrait du poème Tempête solide paru dans Stèles – 1912).
El Chaltén, le 19/02/2011
Guéno
Info : l'un des symboles du PN Los Glaciares où se trouve le Fitz Roy est le huemul, un cerf patagonique assez rare et en voie de disparition. Nous ne sommes malheureusement pas en mesure de vous fournir de photographies de cet animal, car il s'est montré discret malgré des heures de traque (une traque plus aisée, sur internet, devrait pouvoir vous donner un aperçu de la bête...). En revanche, nous avons découvert une huemultitude d'informations sur le cervidé en question. Bien que le fait soit totalement ignoré en France, il sert en cuisine sous forme de huemulsifiant. Par ailleurs, le trappeur égaré peut s'il le capture l'accomoder en huemul-frites ou encore en huemul marinière ! De surcroît, l'animal est la preuve des emprunts du Français à la langue tehuelche, puisqu'une étude étymologique approfondie nous permet de retrouver le mot dans diverses expressions telles "faire des huémules" (ce qui signifie attiser la rivalité, en rapport avec le caractère bagarreur de l'animal...) ou encore "tête d'huemule" (le cerf a son caractère !). Bon, vous l'aurez compris, pour le coup on a complètement craqué !!!
A et G
NB : Jeu-concours, le retour (cf. article du 08/02/2011). Suite à notre "craquage" sur le huemul, nous sommes à court d'idées niveau jeux de mots... Nous vous invitons donc à en trouver d'autres (et de meilleurs), toujours sur le cervidé en question. Un jury impartial de deux personnes se réunira le 15 Mars pour distribuer 18 points (10 points au meilleur, puis 5, puis 3). Rappelons que pour l'instant, Auré est seule en tête avec 10 points.