Direction le pays du Soleil-Levant (Iizuka, préfecture de Fukuoka, Japon)

par A et G  -  14 Février 2015, 23:59  -  #Carnet de route

Direction le pays du Soleil-Levant (Iizuka, préfecture de Fukuoka, Japon)

Proche du faux départ (11/02)

 

    Pour bien commencer ce grand voyage, j'ai failli manquer mon vol ! Je ne suis pas arrivé particulièrement en avance à l'aéroport de Roissy (13h30 pour un départ à 15h), mais en principe cela devait suffire largement. J'avais déjà fait l'enregistrement, sur internet, et je devais juste passer au baggage drop-off counter pour déposer mes sacs. Sauf que parvenu au comptoir, problème ! Je ne suis pas autorisé à prendre mon vol. Pas de billet de sortie du Japon dans les trois mois... Si j'étais bien au courant que les visas touristiques délivrés par les autorités nippones l'étaient pour quatre-vingt-dix jours, j'ignorais en revanche que ces dernières déléguaient aux compagnies aériennes le soin de régler leurs soucis d'immigration (qui sont d'ailleurs, à mon avis, extrêmement minimes). J'ai eu beau argumenter, dire que je comptais aller faire un tour en Corée ou aux États-Unis avant l'expiration du sésame, rien à faire : il n'y a pas eu moyen de négocier. Apparemment, les entreprises encourent de fortes amendes de la part des Japonais (pas réputés les plus souples à ce sujet...) si elles laissent embarquer des passagers qui ne sont pas en règle.

 

    Résultat : à force de parlementations, le temps tournait, et à cinq minutes de la fermeture de l'enregistrement des bagages, j'étais toujours sans solution. Il commençait à y avoir urgence... Du coup, je me suis précipité sur le premier comptoir de vente venu. C'était celui d'Air France. J'ai demandé à la vendeuse de me prendre un billet pour n'importe où depuis Tokyo, avant le 11 mai, et le moins cher possible. Bon, elle m'a trouvé un aller simple le 31 mars pour Séoul Incheon, à 280 euros : je ne compte pas m'en servir, mais a priori il est remboursable avec quelques frais. J'ai quitté le guichet en courant avec ma preuve de sortie du territoire japonais entre les mains, et j'ai été le dernier à jeter mes bagages sur le tapis, juste après 14h. C'est toujours en sprintant que j'ai passé les différents contrôles et parcouru les hectomètres de tapis roulants, et c'est tout suant que j'ai atterri dans l'énorme A380. Mais l'essentiel était là : j'ai pu embarquer !

 

    Je vous laisse donc imaginer avec quel plaisir j'ai pu admirer, depuis le hublot, les Alpes couvertes de neige, les îles croates de l'Adriatique, les massifs albanais, et le fabuleux coucher de soleil qui a fini par incendier la Méditerranée. Petit détail, c'est la première fois que cela m'arrive en avion : le Wi-Fi était disponible contre paiement, et les voyageurs pouvaient envoyer et recevoir des sms depuis le ciel... C'était potentiellement dangereux, ça ne l'est donc plus ?

 

    Toujours est-il que vingt-deux heures après le décollage de Paris, soit deux escales (Doha et Tōkyō Narita) et quatre films plus tard, j'arrivais à Fukuoka, où je pouvais enfin retrouver la miss, déjà exilée là-bas depuis quelques mois...

 

Un peu de géographie (12, 13, et 14/02)

 

    Je prends ici le temps d'écrire quelques lignes pour camper le décor de notre nouvelle vie. Si nous habitons bien dans la préfecture de Fukuoka, nous vivons en fait hors de la mégapole, plus précisément à Iizuka (飯塚市), ville située en pleine campagne, à 35 kilomètres à l'est de Fukuoka et à 40 kilomètres au sud de Kitakyūshū. Implantée au cœur d'une fertile plaine alluviale, c'est au cours de l'ère Meiji (1868 – 1912) qu'elle connaît un véritable essor, en devenant un centre important de l'activité minière dans la région. Mais les années 1970 marquent un tournant pour la cité : suite à la fermeture progressive des mines de charbon, elle se dépeuple et doit entamer une profonde restructuration économique. Peu à peu, une industrie plus légère s'y développe, particulièrement celle liée aux technologies de l'information et de la communication. À l'origine un hôpital généraliste destiné aux soins des mineurs, le Spinal Injuries Centre (la clinique où miss A fait son stage), n'a reçu cette appellation que dans les années 1980, à l'occasion d'une restructuration. Liée à sa nouvelle hyper-spécialisation (les lésions au rachis), celle-ci s'est inscrite dans la volonté de la municipalité de se tourner vers les activités de pointe.

 

Maisons face au complexe hospitalier, à l'ouest de la ville

Maisons face au complexe hospitalier, à l'ouest de la ville

Pont sur la Onga-gawa, au centre d'Iizuka

Pont sur la Onga-gawa, au centre d'Iizuka

    Paisible et d'apparence rurale, Iizuka compte aujourd'hui une population d'environ 130 000 habitants. Sans véritable centre-ville, elle s'étend autour de deux axes perpendiculaires, chacun long de plus de dix kilomètres : d'ouest en est, la route 201, reliant Fukuoka à Kanda, la traverse ; du sud au nord, c'est la rivière Onga qui structure l'espace urbain. Et tout autour, l'horizon est barré par de petits sommets qui, s'ils n'atteignent que péniblement les 400 mètres d'altitude, isolent en partie la région de l'influence océanique.

Vue sur la rivière Onga, vers le sud et l'amont

Vue sur la rivière Onga, vers le sud et l'amont

Le lac de barrage du Kasashiro Dam Park, au pied du Mont Kasagi, au nord-ouest de la ville

Le lac de barrage du Kasashiro Dam Park, au pied du Mont Kasagi, au nord-ouest de la ville

    L'appartement où nous logeons se trouve dans un immeuble flambant neuf, situé dans le complexe hospitalier, juste à l'entrée de celui-ci. Deux chambres, un salon, un bureau, ce n'est pas l'espace qui nous manque ! Il est par ailleurs aménagé à la japonaise : des panneaux coulissants, un o-furo (le bain), et des toilettes de compétition... Bref, c'est un bon repaire pour lire, écrire, et préparer les pérégrinations à venir. Et surtout, comble du bonheur, nous avons à disposition une bicyclette pour chacun, instrument indispensable pour aller faire les courses – étant donnée l'étendue de la localité – et explorer les alentours (bon, la mienne est aux dimensions japonaises : même une fois la selle montée au maximum, je pédale encore avec les genoux quasiment à la hauteur du nez ; mais ce n'est pas bien grave, je ne compte pas réaliser de performances!).

La vue depuis notre balcon

La vue depuis notre balcon

Notre appartement

Notre appartement

    Lors de mes premiers jours sur place, la chance m'accompagne : la pluie persistante des dernières semaines a laissé la place à un franc soleil qui sent bon le printemps, et les eaux du petit lac que nous apercevons depuis notre balcon scintillent de mille reflets. La miss profite de ces conditions favorables pour me faire découvrir les environs, et surtout les immanquables « lieux de survie » (magasins d'alimentation, parcs, stade). Chaque coin de rue réserve une surprise, pour qui sait se réjouir de peu : belles maisons traditionnelles aux toits de tuiles noires, petits temples shintō disposés ça et là, petits potagers entretenus avec soin. Par ailleurs, le coin est un paradis pour ornithologue en goguette : pas un matin sans croiser un héron, un martin-pêcheur ou quelque autre indéfini coloré.

Drôle d'oiseau devant l'entrée du petit sanctuaire shintō Mizuso, à côté du barrage de Kasagi, au nord-ouest de la ville

Drôle d'oiseau devant l'entrée du petit sanctuaire shintō Mizuso, à côté du barrage de Kasagi, au nord-ouest de la ville

Sanctuaire shintō Mizuso

Sanctuaire shintō Mizuso

Footing en famille sur la piste du Chikuho Ryokuchi Park, à l'est d'Iizuka

Footing en famille sur la piste du Chikuho Ryokuchi Park, à l'est d'Iizuka

Le Chikuho Ryokuchi Park et son parcours de jogging en tartan !

Le Chikuho Ryokuchi Park et son parcours de jogging en tartan !

Repas de fête (14/02)

 

    Un séjour au Japon, c'est d'abord et avant tout des découvertes culinaires permanentes. Comme celles de ce samedi soir, où nous avons été invités à dîner chez le chirurgien qui a permis à miss A de réaliser son stage à Iizuka. Autour des deux grandes tables, sa famille est au complet, et il a mis les petits plats dans les grands pour l'occasion. En effet, il s'est offert les services d'un chef pour officier en cuisine, et ce dernier a la particularité de posséder un agrément de l'État lui permettant d'accomoder le fugu. Le fugu est un poisson qui se gonfle d'eau lorsqu'il se sent menacé, d'où son surnom de poisson-globe ou poisson-ballon. Mais sa principale particularité, c'est qu'il contient dans le foie et les gonades un poison potentiellement mortel, la tétrodoxine. D'où les précautions extrêmes qu'il faut prendre lors de sa découpe, afin de faire en sorte que la neurotoxine n'envahisse pas des parties comestibles du poisson ! D'ailleurs, si l'on en croit la presse, sa dégustation inconsciente fait chaque année quelques victimes...

Un dîner 100% fugu !

Un dîner 100% fugu !

    Le fugu, pêché seulement l'hiver, se vend donc très cher, et c'est un plat de fête. Du coup, lorsqu'il est servi, il est dévoré de A à Z (enfin presque...) et constitue l'intégralité du repas. Nous avons pu le tester en sashimis (les lamelles sont découpées si finement que l'on voit en transparence l'assiette spéciale qui leur est affectée), en sushis, en makis, frit, en nabe (la fondue japonaise, une sorte de pot-au-feu), dans l'okayu (sorte de bouillie de riz), … Mais nous avons aussi eu droit à ses intestins, servis par trois, ou encore à du saké nihonshū (alcool de riz, assez doux) dans lequel flottaient ses nageoires ! Toujours est-il qu'après le festin, « onaka ga ippai desu », comme on dit ici (« J'ai la panse pleine ! »).

Qui veut goûter aux intestins de fugu ? C'est assez crémeux...

Qui veut goûter aux intestins de fugu ? C'est assez crémeux...

    Bref, vous l'aurez compris, mon intégration s'effectue en douceur. Iizuka n'a rien de touristique, et voilà qui me plaît ! La vie y est tranquille, sans doute plus vraie qu'en plein centre de certaines grandes villes d'ici. Cela m'installe dans une posture idéale, au cœur d'un pays qui ne se dévoile guère et ne se prête que peu à une compréhension rationnelle, surtout lorsque l'on n'en parle pas la langue ! Il y a tant d'efforts à fournir pour passer d'un filtre européen de lecture des choses à un prisme japonais...

 

G / Iizuka, Japon, février 2015

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Récit plein d'humour et appétissant. Continue à nous faire voyager.<br /> Bise. Michel et Eliane
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