De KL à KK (Kota Kinabalu, Sabah, Malaisie)

par G  -  28 Juillet 2014, 22:00  -  #Carnet de route

    Après deux heures trente de vol depuis Kuala Lumpur, nous atterrissons à Bornéo sous un ciel sombre, peinant à éponger la lourde pluie qui vient de s'abattre. Hors de la carlingue règne la moiteur : il faudrait bien plus qu'une simple averse équatoriale pour faire chuter ici la température, perpétuellement figée autour des 30°C.

 

    En quelques dizaines de minutes, un bus de ville nous dépose au centre de Kota Kinabalu, KK comme tout le monde l'appelle ici (prononcer à l'anglaise !), et nous trouvons sans peine l'hôtel que nous avons réservé.

Kota Kinabalu, entre colline et archipel

Kota Kinabalu, entre colline et archipel

Un peu d'histoire pour commencer...

 

    Les origines de KK dateraient de la fin du XIXème siècle. En 1881, les Britanniques installèrent en effet une minuscule implantation sur Pulau Gaya, la plus grande des cinq îles qui fait face à la baie le long de laquelle s'étire l'actuelle cité. Un an plus tard, la British North Borneo Company (BNBC), encore appelée la Chartered Company, reçut le mandat d'administrer le Bornéo du Nord (l'actuel Sabah). C'était ce que l'on nommait une « compagnie à charte », c'est à dire une société possédant une concession écrite d'un gouvernement, lui donnant alors le droit de commercer dans un territoire d'outre-mer, avec l'assurance d'un monopole concernant l'exploration, la colonisation et bien entendu les profits tirés de ces derniers.

 

    Cependant, en 1897, le chef tribal Matt Salleh et ses hommes menèrent un raid sur l'implantation, pillant ce qu'ils pouvaient et la laissant dévastée par les flammes. Pour expliquer cette attaque, il est inutile d'aller chercher bien loin : les tensions étaient nombreuses avec les populations locales, et les griefs de ces dernières envers la BNBC ne manquaient pas (collecte d'impôts, …).

 

    La première colonie fut donc abandonnée. Les Britanniques quittèrent Pulau Gaya et se réinstallèrent alors sur la côte, à Kampong Gantisan, un petit village de pêcheur. Dès 1899, ils rebaptisent cette nouvelle implantation Jesselton, du nom de Sir Charles Jessel, le vice-président (vice-chairman) de la BNBC. En parallèle, la compagnie étend son emprise sur le territoire, avec le recrutement de policiers sikhs en Inde du Nord, l'expansion du commerce, la création de plantations et l'encouragement de la récolte, le développement du système de gouvernement, la multiplication des infrastructures (chemin de fer Jesselton – Tenom), et la gestion des tribunaux.

 

    Matt Salleh, devenu un héros dans le cœur des populations indigènes, est abattu en 1900 par des soldats envoyés par la BNBC. Il faudra cependant attendre 1905 pour que la rébellion soit définitivement matée.

 

    Il est intéressant de noter que Jesselton était aussi connue comme Api-Api, littéralement « feu-feu » en langue locale : peut-être un nom dérivé des fréquents incendies qui s'y produisaient lors des fêtes, les étincelles des pétards ne faisant pas bon ménage avec les toits de chaume et les structures en bois des shophouses (ce terme désigne les maisons à la mode traditionnelle, avec la boutique au rez-de-chaussée et les habitations dans les étages).

 

    Durant la Seconde Guerre Mondiale, Bornéo est particulièrement touchée par les combats. En moins de quatre mois, l'armée impériale japonaise conquiert l'intégralité de l'île : les forces alliées se rendent le 1er avril 1942. S'ensuit une occupation particulièrement brutale, qui fait de nombreuses victimes au sein de la population locale. Pour libérer le Bornéo du Nord, les Alliés durent alors procéder à des bombardements massifs. Jesselton fut complètement détruite ; en plus du temple sikh, éloigné du centre-ville, seuls trois bâtiments coloniaux restèrent debout : la tour de l'horloge d'Atkinson (datant de 1905), l'actuel office de tourisme du Sabah (1916), et un autre bâtiment, qui malheureusement brûla en 1992 dans un incendie déclenché suite à des feux allumés pour la nouvelle année (c'est ici vraiment une mauvaise habitude...).

 

    Après la libération en 1945, il fallut tout reconstruire. Les coûts occasionnés par les bombardements s'avérèrent si importants que la BNBC, toujours en charge de l'administration du territoire, renonça à ses droits et céda définitivement au gouvernement britannique le Bornéo du Nord. Ce dernier devint une colonie de la Couronne le 15 juillet 1946. Au passage, Jesselton obtint le statut de nouvelle capitale, en lieu et place de Sandakan, la grande ville de l'est, elle aussi ravagée durant la reconquête de l'île.

Bâti en 1954 le long de Gaya Street, l'hôtel Jesselton est le plus ancien de la ville

Bâti en 1954 le long de Gaya Street, l'hôtel Jesselton est le plus ancien de la ville

    Le 30 septembre 1968, Jesselton est renommée Kota Kinabalu, en référence au majestueux sommet voisin, le Mont Kinabalu (en malais, kota signifie ville). C'est une ville assez moderne – les plus anciens bâtiments datant des années 1950 –, et reconstruite en partie sur des terres récupérées sur les eaux. La cité devient en effet tentaculaire, et l'espace pour elle disponible se fait rare, nichée qu'elle est entre la mer de Chine méridionale et d'abruptes collines couvertes de jungle.

 

Premiers pas sur Bornéo (28/07)

 

    Lors de nos promenades le long de ses rues tracées au cordeau, il règne une atmosphère tranquille dans l'ancienne Jesselton. Shophouses et restaurants sont omniprésents. La commerçante et authentique Gaya Street abrite quelques magasins de souvenirs, qui nous permettent de découvrir les spécialités locales : durian (le malodorant « roi des fruits », décliné sous toutes les formes possibles et imaginables : séché, en confiserie, en pâtisseries, etc), thé noir, white coffee, tongkat ali (plante aux propriétés miraculeuses), kaya (confiture au lait de coco, préparée à base d'œufs), ou encore holothurie séchée (ou concombre de mer : c'est un horrible échinoderme tout flasque et inoffensif, sur lequel j'avais eu la mauvaise surprise de mettre le pied il y a quelques années lors d'une baignade, pendant un séjour dans l'archipel Ryūkyū, au sud du Japon).

 

    À l'est du centre-ville, quelques marches (auxquelles a été donné le nom bien pompeux de Signal Trail) nous mènent, via un tunnel de verdure exubérante, à un petit point de vue, accroché sur la colline dominant KK : de là, nous avons un bel aperçu en enfilade sur la cité, et un splendide panorama sur la ceinture d'îles protégeant la baie, et formant le parc national Tunku Abdul Rahman.

 

Vue d'ensemble du centre-ville de KK

Vue d'ensemble du centre-ville de KK

    En ville, nous constatons aussi la profusion de gigantesques malls luxueux. Aseptisés et remplis des boutiques internationales que l'on trouve partout ailleurs, ils offrent malgré tout un réel avantage : la climatisation ! Par contre, étant donné leur nombre, une question demeure : comment font-ils pour survivre ? KK doit détenir l'un des meilleurs ratios mondiaux concernant le nombre de malls par habitants !

Le grand mall Suria Sabah, à l'est du centre-ville

Le grand mall Suria Sabah, à l'est du centre-ville

    Sur le front de mer, on rencontre des familles et de nombreux jeunes endimanchés. Les 28 et 29 juillet sont en effet fériés, à l'occasion de la rupture du jeûne du Ramadan, l'Aïd el-Fitr (Hari Raya Puasa, selon le terme utilisé en Malaisie). Nous terminons la journée par un régal de fruits de mer, alors qu'un déluge équatorial s'abat dans la nuit. Décalage horaire oblige, nous tombons comme des mouches quand vient l'heure du sommeil, malgré l'infernal bruit du bar voisin qui fait aussi karaoké... Comme le dit miss A, quand on chante comme ça, on ne fait pas ch***, on chante sous sa douche !

 

G / Bordeaux, décembre 2014

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